Mais ça me tue

J’ai l’impression que dans cette cage, je n’ai plus aucune vivacité d’esprit. Je n’y suis que l’ombre, que la vapeur, que le souvenir à demi-effacé de quelqu’un que j’aurais pu être.

Je sens en moi, profondément, ce quelque-chose qui me déchire. Je n’arrive pas à me plier à d‘autres formes. Je ne comprends pas le plan, tout ce qui est attendu de moi. Je n’y arrive qu’en rêves et sans douleur car je peux rêver au dénouement, à la réussite sans avoir subi les épreuves, sans avoir goûté à ces souffrances, que je m’impose au nom de quoi ? Je n’ai pas la structure du perroquet ou celle de la marionnette. Pourquoi m’entêtai-je toujours à me le faire croire ? J’aime me nourrir de la pensée, des idées, mais je n’ai pas l’étoffe de ces techniciens que j’aime tant lire. Je casse les moules. C’est ainsi. Je n’y peux rien ; je crois avoir beaucoup tenté pour devenir souple mais ça me tue. Et je ne veux pas encore mourir.



Je pense aux clés

En ce moment, je pense beaucoup aux clés. C’est peut-être symptomatique de la période que je vis actuellement et qui est propice aux déblocages.
Mais de quoi est constituée une clef (j’aime cette double orthographe) ? D’apparence, elle est souvent d’un seul tenant. Cependant, lors de son usage, elle se divise distinctement en deux parties. La première disparaît dans la serrure tandis que la seconde reste serrée entre les doigts de l’utilisateur. Puis, par un habile mouvement du poignet, la clé toute entière tourne et voici la porte déverrouillée (ou verrouillée).

Le miracle se reproduit invariablement tant que l’on sait accorder la clé et la serrure.

Revoir Dijon

J’ai vécu à Dijon pendant près de vingt ans et j’en suis parti il y a presque huit ans. En si peu d’années, une ville peut changer ; c’est ce que j’ai constaté en déambulant aujourd’hui dans certaines zones de la ville. J’ai découvert des quartiers entiers en profonde mutation, des bâtiments modernisés, un parking aérien sorti de terre, un ancien hôpital totalement rasé, des sens de circulation modifiés, etc.
Pour autant, les axes restent les mêmes. Je ne me suis jamais senti déboussolé ou perdu. J’ai emprunté mes itinéraires familiers sans autre surprise qu’un décor par moment profondément bouleversé. La cité semble rajeunir, elle change de forme pour s’adapter à l’avenir que les hommes imaginent. C’est dans ces moments-là que la conscience de n’être que de passage prend forme et s’enracine dans la matière. La ville a toujours changé et sous le pas troublé des âmes vieillissantes, elle mène sa propre existence.
Surnommée la belle endormie dans les années 80-90, Dijon, désormais la métamorphosée (qualificatif qui n’a de sens que pour désigner un moment transitoire nécessitant la mémoire de ce qu’elle fut), reste, à mon insu, un important fil rouge de ma vie. J’y suis né, j’y ai grandi et malgré la distance, les liens restent tissés. Ils sont plus lâches, moins prégnants, parfois lourds mais nos deux histoires se confondent sur une bonne moitié de ma vie. Comment pourrais-je l’ignorer ?