C’est le matin et dans la ville tous s’agitent, rejoignent un bureau, un commerce, un hôpital, un engin, un tribunal, une salle de classe. Tous sauf un, l’enfant qui rêve en chemin est le poète. Il a plutôt l’air d’un vieux déplumé qui n’a jamais atteint le but assigné. Il regarde à droite, à gauche, en bas et en haut ; derrière lui, devant lui de tous les côtés – souvent nulle part autour de lui.
Ses pas le guident dans le profond dédale intérieur où l’imaginaire se mêle à la vapeur du présent. Chez la plupart d’entre nous, rien ne filtre de cette rencontre quotidienne et magique. Pour lui, la cristallisation en mouvement de ses états intérieurs le nourrit, il y plonge cœur et plume. Parfois pleure, parfois rit, sans que du dehors on ne sache pourquoi.
Le poète est le mineur de l’âme qui remonte à la surface la précieuse matière cachée en chacun. C’est pourquoi on le laisse exister, c’est pourquoi aussi on le pourchasse. C’est un être qui plonge dans les entrailles, fouille les plaies et nage dans les fontaines éruptives. Il se gorge des éléments fondamentaux de la vie et construit des édifices aussi simples que complexes. C’est que le poète n’a pas conscience de l’impossible.
Qu’on l’écoute, qu’on l’ignore ou qu’on veuille le faire taire, il parle d’une voix dont l’origine se perd dans une nuit antique.
C’est un être qui ressent par tous les sens.
C’est un errant qui n’appartient qu’au présent.
C’est un roi solaire sans l’ombre d’un royaume.
Le poète goûte le rêve, son guide, dans des mondes incréés ou que l’on croyait à jamais engloutis.