Elle marche lentement dans la rue à demi-vide. Il est midi et son corps n’oublie rien de la nuit passée. Au détour d’une rue, ce coin où la boulangerie fait face aux articles de la grande côte (magasin de vrac et occasions en tous genre), elle l’aperçoit au loin. C’est trop tôt. Elle n’est pas prête, elle n’a pas encore tout assimilé alors vite, elle tourne ses pas dans la ruelle qui tout de suite descend comme une cascade vers la mer. Elle accélère son pas petit à petit, au rythme des battements de son cœur, emportée par sa légèreté et cette envie irraisonnée de goûter seule les plaisirs partagés, de laisser son corps s’en emplir encore, de s’abandonner au souvenir du toucher de cette peau, de cette bouche, de ce sexe, de se laisser prendre par lui sans réserve de l’instant. La pente l’entraîne, elle et ses pas sont de petits tressauts rapides subjugués par la caresse du vent sur la peau de ses cuisses, de ses bras et de son visage tout entier aux lèvres humides et aux oreilles sourdes à tout autre mouvement que cet air qui la fouette doucement jusqu’au retour brutal du soleil, tout en bas, au contact de la route et de ses trottoirs bondés d’animaux inattentifs. Elle souffle, libre jusqu’à la mer.
Nicolas Boissier. Le 10 Juin 2020.